A l’occasion du festival Woodstower qui s’est tenu ces derniers jours à Lyon, on a eu la chance de pouvoir interviewer Suzane, une chanteuse émérite ayant gagné les Victoires de la Musique en 2020 en tant que révélation de l’année grâce à son album Toï Toï. Depuis, elle a sorti quelques singles dont Belladonna, le plus récent, sur lequel on s’est déhanché.es tout l’été chez Lyon Secret. Pendant cette interview, on a interrogé son rapport à Lyon, mais surtout on a dressé un portrait de l’artiste autour de ses 7 pêchés capitaux. Luxure, Gourmandise, Avarice… Elle nous dit tout !
Est-ce que c’est ton premier festival à Lyon ?
Non, j’avais fait les Nuits de Fourvière en 2021. C’était incroyable. Pas la même ambiance puisque c’était des arènes, amphithéâtre… C’était très beau ! Mais sinon c’est ma première à Woodstower.
Tu connaissais déjà un peu la ville ?
Alors Lyon je connais un petit peu. Mon père y a fait son armée donc il nous en parle tout le temps. Mais moi je connais pas beaucoup, il faut vraiment que les lyonnais me fassent visiter !
Orgueil : de quoi es-tu la plus fière dans ta carrière ?
C’est pas évident. Autant je vais te répondre quelque chose et demain je vais me dire, mince ! Ce n’est pas ça que j’aurais dû répondre, je vais les rappeler (rires). Ce dont je suis le plus fière, finalement ? D’avoir osé. Tu vois je vais pas te citer « Oh j’ai eu les Victoires de la Musique », « J’ouvre un Olympia », enfin tout ça c’est génial et c’est toujours fou de me dire que tout ça m’arrive. Mais je pense que ce dont je suis le plus fière c’est d’y avoir cru, avant même que tout ça se passe. C’est ça dont je suis le plus fière, d’avoir osé.
L’envie : Est-ce que la ville dans laquelle tu vis a quelque chose à envier à Lyon ?
Lyon, le peu de fois où j’y suis passée, j’ai trouvé ça très beau. J’avais vu la fête des Lumières avec des copines, c’était vraiment génial. Ca met bien le patrimoine en avant. Puis il y a de super salles de concerts et il se passe plein de choses ! Non, Lyon n’a rien à envier à Paris. On peut faire germer plein de belles idées à Lyon.
Et dans quelle ville vis-tu ?
Alors, j’étais (et suis toujours) avignonnaise mais je vis à Paris. J’adore Paris car c’est une ville de tous les possibles. Je suis une grande rêveuse et j’aime sentir les endroits où ça créé, où il y a plein de gens différents. Où il n’y a pas de limites. Dans le sud, on me disait beaucoup que vouloir faire un métier artistique, ce n’est pas un métier. A Paris, c’en est un. Paris pour le côté « tu peux rêver ».
Quel est ton plus grand rêve ?
Mon plus grand rêve ? Avant je t’aurais dit que c’était d’être chanteuse. Maintenant que je vis mon premier rêve, mon second serait que ça dure le plus longtemps possible. Et le troisième serait de ne pas avoir besoin de faire de grandes performances dans ma vie pour arriver à être heureuse. Je n’ai pas envie que le jour où ça s’arrête, si ça s’arrête, ce ne soient que ces quêtes de victoires qui me nourrissent. Ce genre de récompenses qui disent « j’ai le droit d’être heureuse que si j’ai fait bien ». Arriver à trouver des bonheurs plus simples, c’est ça mon troisième rêve.
Luxure : Quels sont les types de lieux dans lesquels tu préfères sortir ?
Moi j’ai un petit faible pour les restaurants. J’aime bien manger (rires). J’aime bien « bien manger ». Les endroits où j’aime sortir sont des endroits peu peuplés. Genre aller à Auchan le samedi tu vois, c’est très sudiste de faire ça, et ça me donne mal au crâne. Je préfère vraiment aller me balader en ville dans les petites rues pavées, en semaine c’est mieux puisqu’il y a moins de monde. Sinon ouais, des restau’ végétariens. Je suis végétarienne depuis plusieurs années maintenant et j’adore voir que désormais de plus en plus de lieux proposent une alternative plus écolo, plus consciencieuse de l’environnement. Et je suis sûre qu’à Lyon il doit y avoir plein de spots sympas. Je veux bien les tips (rires). Je reviens au Transbo’ le 26 novembre, donc faudra bien que je mange quelque part !
Paresse : T’as une musique qui s’appelle La Flemme, est-ce que tu traînes encore souvent avec elle ?
J’ai un peu moins le temps quand même. Mais non, je cache pas que pour moi les moments de flemme c’est important. Je trouve qu’on l’a tous cette flemme. Personne ne peut nier qu’il y a des jours où tu n’arrives pas à t’y mettre, où des moments dans ta vie où c’est plus compliqué, où tu ressens le besoin de ne rien faire. On nous demande toujours d’être hypra-productifs, hypra dans le speed. On est dans un monde faut courir, tout le temps ! Donc quand quelqu’un nous dit « Oh j’ai pas trop envie, j’ai un peu la flemme », on le regarde genre « quoi, il a osé dire ça ? ». Bah non, je pense que la flemme ça nous permet de décontracter ce cerveau, de relâcher un peu la pression. Aujourd’hui on commence à prendre conscience que notre santé mentale est importante et qu’il n’y a pas que le boulot ou la productivité qui comptent. Il faut aussi savoir se poser, regarder un paysage, savoir ne rien faire. C’est le plus dur de nos jours de savoir ne rien faire, je trouve.
Gourmandise : Connais-tu la praluline ? Et sinon, quel est ton plat / dessert préféré au monde ? (on a offert une Praluline à Suzane)
Biensûr que je connais la Praluline ! Qui est, fort heureusement pour moi, aussi implanté à Paris. Donc je fais des passages très quickly et très souvent chez François Pralus. Là tu viens de me faire le cadeau du siècle, je te vois arriver avec un sac François Pralus et je me dis « il est pour moi ? ». Et oui, bonheur, il était pour moi. Et sinon, vraiment, la Praluline est mon dessert préféré. Je le dis, je l’assume (rires). D’ailleurs quand j’avais fait un concert à Lyon, un technicien aussi m’avait ramené une brioche de chez Pralus ! Je trouve que vous défendez très très bien votre brioche. Merci à tous pour ces supers cadeaux de Praline (rires).
Avarice : Est-ce qu’il y a un titre, une musique, que t’aimerais garder que pour toi ?
Il y en a une, qui va être sur mon deuxième album, où je me suis longtemps demandée si je devais la mettre. C’est une chanson qui s’appelle Océane, qui porte mon vrai prénom. C’est le moment où j’enlève un peu la combinaison, j’enlève le masque, le vernis. C’était une espèce de pudeur : est-ce que je la mets ? Est-ce que les gens vont comprendre ? Mais je savais que je voulais écrire une chanson intitulée Océane, mais j’ai mis du temps à l’écrire. J’ai senti qu’il y avait des forces qui me disaient « t’es pas encore prête ». Il y avait un cheminement à faire, un travail intérieur. Je devais descendre au fond de moi-même, un peu dans la grotte des émotions. Et je pense que je vais la sortir sur l’album. Je me suis décidée il n’y a pas si longtemps, et maintenant j’espère même la jouer à l’Olympia. J’espère y arriver.
Colère : Qu’est-ce qui t’énerve le plus dans le monde ? Et plus précisément dans l’industrie de la musique ?
Alors dans ce monde-là, malheureusement j’aurais un listing de choses. Il y a beaucoup trop d’injustices, de violences, d’inégalités… La liste serait trop longue. Dans une de mes chansons, je dis que je suis souvent en colère quand j’allume la télé, quand je vois le monde dans lequel on vit, quand je vois notre génération dans ce monde qui s’abîme de plus en plus… Et quelle place allons-nous occuper dans ce monde-là, finalement ? Ouais, je suis souvent en colère contre ce système qui ne fait rien pour que les humains soient sur le bon chemin, ensemble, et ne soient pas cruels. Sans s’en rendre compte on fait des actions qui, mine de rien, coûtent à des gens, coûtent à des animaux, à la planète. Aujourd’hui j’essaye de ne pas être qu’en colère. J’essaye de me dire « comment toi tu peux faire dans ta vie pour que ce soit moins violent ? ». Puis, dans le milieu de la musique qu’est-ce qui pourrait changer ? Beaucoup de choses ! Particulièrement par rapport aux femmes. Quand tu vois un homme qui fait une presta’, puis une femme, malheureusement, on va parler de la tenue de la nana, pas de sa musique. Puis tu sens encore qu’il y a des commentaires sur les réseaux où c’est beaucoup plus violent lorsque tu es une femme. Tu es tout de suite sexualisée. Le côté sécurité aussi, dans le milieu de la musique mais aussi dans tous les milieux, les femmes ne sont pas toujours en sécurité. Il y a pas mal de pain sur la planche. Il faut que les artistes et les médias continuent de parler de ça.
Puis la colère c’est pas réellement un pêché pour moi. On dit souvent que c’est pas bon d’être en colère. Alors que si, c’est une réaction très saine face à un choc, une injustice. Il faut ensuite réussir à mettre cette colère en action. Je crois qu’on est une génération en colère, et je pense qu’il y a de quoi. Mais le but c’est de se réunir autour de cette énergie et de trouver comment avancer là-dedans.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Sortir cet album, il serait temps. Il est parti en fabrication là, c’est bon, on y est. Je le lâche doucement vers vous. Puis l’Olympia, le faire et me dire qu’il n’y aura qu’une première fois pour cette salle là donc en profiter au max’ sans que le trac prenne le dessus ! Sinon, donner à beaucoup d’asso cette année, essayer de m’investir encore plus. Et si je peux donner de la visibilité à des gens, aider, financièrement ou autre, je le ferai ! Sinon profiter de la vie, quoi ! C’est pas mal, non ?