Une icône. Et pourtant, allez demander autour de vous : « Clotilde Bizolon, tu connais ? » Cette Lyonnaise d’adoption va pourtant jouer un rôle clé durant la Première Guerre mondiale en s’investissant corps et âme pour soutenir le moral des troupes. Comment ? Avec une volonté et un dévouement de fer, mais surtout avec beaucoup d’abnégation, elle improvise un comptoir fait de bric et de broc pour servir à des centaines de milliers de soldats une simple louche de soupe qui se transforma pour la majorité d’entre eux en une marmite d’espoir…
Clotilde Bizolon, « la maman des poilus »
D’août 1914 à juin 1919, cette veuve, ayant perdu de surcroît son fils unique au front, offrit plus d’un million de repas aux poilus et autres réfugiés de passage dans le quartier de Perrache. Elle y servait plus de 1000 déjeuners par jour : un bouillon, du pain, un peu de café ou du vin. Difficile de le croire de nos jours, mais un peu de soupe et un mot de réconfort pouvaient changer la face des choses pour tous ces hommes en perdition.
Dans les tranchées, on se passait le mot : « À Lyon, La Mère Bizolon offre du café et de la soupe à la gare de Perrache ! » Sa bienveillance lui valut ses surnoms de « Maman des Poilus », de « Mère Bizolon » ou de « La Madelon ». Une chanson populaire lui sera même dédiée :
“La Madelon pour nous n’est pas sévère
Quand on lui prend la taille ou le menton
Elle rit, c’est tout le mal qu’elle sait faire
Madelon, Madelon, Madelon !”
Elle reçut en 1929 la plus haute décoration honorifique française, la Légion d’honneur, et pour autant, son action ne s’arrêta pas là. Après avoir transformé l’ancienne boutique de cordonnier de son mari en petit bouchon lyonnais, le destin du monde bascula à nouveau en 1939. Malgré ses 68 ans, elle rouvrit sa buvette mais mourut tragiquement en 1940 d’un crime qui reste à ce jour mystérieux.
Et aujourd’hui, que reste-t-il de Clotilde Bizolon ?
Clotilde Bizolon fait partie, au même titre que la Mère Guy, la Mère Fillioux, ou encore la Mère Brazier (qui eut comme apprenti un certain Paul Bocuse), des fameuses Mères Lyonnaises, ces cuisinières émérites du début du XXe siècle.
Elle a aujourd’hui une rue qui porte son nom dans le 2e arrondissement et une plaque commémorative dans le quartier de Perrache. Mais en se penchant un peu sur son histoire, Clotilde Bizolon aurait toute sa place sur la fresque des Lyonnais ou sur l’entrée d’un collège ou d’une bibliothèque. Maigre consolation, le musée Gadagne conserve sa louche, celle qui aura pourtant nourri, pendant tant d’années, des millions de bouches et une quantité incalculable de ce qui, paradoxalement, ne se mesure pas et qu’on appelle l’espoir…


