
Jean Moulin. Haute figure de la Résistance, proche du général De Gaulle, préfet et unificateur des mouvements résistants de La Zone Libre. Très jeune, il s’affilie au mouvement politique socialiste et se range du côté des républicains. Lorsque la guerre éclate aux portes françaises, il est alors préfet de Chartres et tente de maintenir le calme en Eure-Et-Loir. Tout éclate lorsque des soldats nazis lui demandent de signer un papier incriminant des tirailleurs sénégalais pour “crimes graves”. Ayant conscience de la malhonnêteté de ce papier, il refuse de le signer et se fait emprisonner. Il tentera alors de se suicider en se tranchant la gorge avec un bout de verre. De cet épisode, il gardera un cicatrice au cou qu’il cachera avec un foulard.
Ses premiers pas dans la Résistance
Le Régime de Vichy l’ayant révoqué à la suite de cet épisode, il fera définitivement sa grande arrivée dans la Résistance française. Après la publication de son journal Premier Combat, il décide ensuite de se rendre à Londres pour rencontrer De Gaulle. Ce dernier lui donne la mission d’unifier tous les mouvements résistants français. Une fois de retour en France, il contacte les trois principaux dirigeants des mouvements : Henri Frenay à la tête de Combat, Jean-Pierre Levy de Franc-Tireur et Emmanuel d’Astier de la Vigerie de Libération-Sud. En naît le Mouvement Uni de la Résistance (MUR). Jean Moulin créé également l’Armée Secrète (AS). Il devient ensuite le président du Conseil National de la Résistance (CNR).
Le mystère de l’arrestation de Jean Moulin
L’année 1943 est une année complexe et décisive. Les différentes sections du CNR ne s’entendent pas forcément, bien qu’au sein de la même alliance. Plusieurs arrestations majeures ont lieu durant les 6 premiers mois de cette année : d’abord le chef régional de l’AS, Claudius Billon, en février à Lyon, puis le Général Delestraint, chef de l’AS le 9 juin à Paris. Jean Moulin se sait traqué à la fois par Vichy et la Gestapo. A cette même époque, René Hardy est au sein de l’Armée Secrète en tant que lieutenant-colonel. En juin 1943, il est à la tête d’une opération couvrant une centaines de gares en France. Anciennement dans la branche ferroviaire, il intercepte à la fois des communications allemandes et les télégrammes et courriers de Vichy. Il est également dans un plan de sabotage des voies ferrées. Arrêté le 7 juin par un ancien résistant, il rencontre Klaus Barbie, officier de police SS, le 10 juin à Paris. Il se fait emprisonner et se fait mystérieusement relâché. Entre temps, Delestraint est également arrêté.
Le drame de Caluire-Et-Cuire
C’est à ce moment-là que Jean Moulin organise une haute réunion à Caluire-Et-Cuire dans le cabinet du docteur Frédéric Dugoujon, pour s’organiser en l’absence de Delestraint. En tout cas, ce jour-là, Jean Moulin arrive à la réunion avec trois quart d’heures de retard, tout comme la Gestapo. H.Aubry, F.Dugoujon, B.Larat, A.Lassagne, le colonel A.Lacaze, le colonel E.Schwarzfeld, R.Hardy et R.Aubrac sont réunis à Caluire ce 21 juin 1943 en après-midi. Tous s’y font arrêter et sont transférés à la prison de Montluc, à l’exception de René Hardy. Si Hardy était bel et bien le traître, il aura du moins servi à faire croire que Moulin n’était pas là. Ce dernier arrivé en retard, est entré dans la maison et s’est assis dans la salle d’attente comme un patient normal. Il n’a pas été vu par Hardy qui était au premier étage avec d’autres résistants. Lorsque les allemands entrent chez le docteur, ils arrêtent Hardy en premier, lui ligotent les mains avec un “cabriolet” (une chaîne maintenue avec une sorte de tige). Une fois dehors, il s’en défait et s’enfuit. Ce laps de temps lui aurait permis de dire aux SS que Moulin (surnommé Max) n’était pas là : puisqu’il ne l’a pas vu !
Jean Moulin, Octobre 1940. Photo prise par Marcel Bernard et donné par la soeur de Jean Moulin, Laure en 1974 / Photo by AFPArrivés à la prison, Barbie pense ne pas avoir arrêté Moulin et ne pose aucune question le concernant. C’est uniquement le 23 juin qu’il commence un interrogatoire poussé des résistants en essayant de savoir qui est Max (Moulin). Tous se font torturer. Jean Moulin, quant à lui, n’a jamais rien dit, même sous une horrible torture. C’est ce même jour que le résistant est identifié et subit le pire. Il mourra des atrocités de Barbie quelques temps plus tard dans le train qui l’emmenait à Berlin pour le transférer en camp de concentration. certains réussissent à s’échapper, comme Raymond Aubrac lors de son transfert.
Mais comment cette réunion a-t-elle été sue ? Qui a parlé ? Hardy était-il un agent double ? Depuis quand l’était-il ? Est-il également à l’origine de l’arrestation de Delestraint ? Tant de questions auxquelles nombreux sont ceux qui le désigneraient comme coupable. De multiples spéculations tournent depuis des années sans que rien ne soit réellement avéré. Plusieurs études et romans ont été publiés, particulièrement celui de Pierre Péan intitulé La Diabolique de Caluire, publié en 1999, qui dénonce la compagne de René Hardy, Lydie Bastien.
René Hardy était-il un agent double ?
De cette arrestation, tout le monde est d’accord pour dire qu’il s’agit d’une trahison interne. Seulement, qui était infiltré ? Tout porte à croire qu’il s’agissait de René Hardy, relâché quelques jours auparavant par Barbie à Paris sans l’avoir dit à personne, mis à part à Pierre Guillain de Bénouville, qui l’avouera à plusieurs reprise des années plus tard. Il sera ensuite le seul à s’en sortir ce fameux 21 juin à Lyon. Il est donc le candidat idéal pour répondre de cette trahison. Dans une interview pour L’Express, Francois-Yves Guillin, ancien secrétaire du chef de l’Armée secrète (Delestraint), dénonce Hardy. Pour autant, ce dernier sera acquitté lors de ses deux procès en 1947 et 1950.
Les autres suspects
- Pierre Péan dans son roman La Diabolique de Caluire, trouve peut-être une autre candidate dans le rôle du traître : Lydie Bastien. Elle aurait manipulé Hardy sous les ordres de Barbie. En tant que maîtresse de Harry Stengritt, adjoint de Barbie à Lyon, son histoire d’amour avec Hardy aurait servi les nazis, puisqu’elle lui soutirait des informations. Hardy aurait alors été manipulé.
- Une autre hypothèse vient également rendre cette affaire encore plus complexe : Edmée Delettraz. Agente double connue et reconnue du côté de la résistance, elle aurait cependant essayé de prévenir les résistants le matin du 21 juin 1943, sans succès. Elle aurait également vu Hardy le matin même avec la Gestapo, entrain de s’entraîner à se défaire d’un cabriolet ! Plusieurs témoins attestent de la véracité de ces propos. Jacques Baynac a écrit de nombreux récits l’accusant de trahison. Cependant, beaucoup disent qu’il occulte des points majeurs de l’affaire afin d’innocenter Hardy et de faire porter le chapeau E.Delettraz. La résistance était tout à fait au courant de sa position d’infiltrée et elle aurait essayé au maximum de retarder la venue des agents allemands ce jour-là.
- D’autres théories suspectent également Pierre Guillain de Bénouville ou même encore Raymond Aubrac. Ce dernier était accusé d’être un agent de Barbie après son arrestation en mars 1943. Ayant été peu bavard contrairement à d’autres sur cet épisode, son silence a été perçu comme suspect. Tout est particulièrement bien détaillé dans cet article du Réseau Canopée.