Ses portes se sont ouvertes alors que Van Gogh n’avait pas encore commencé la peinture, que le moteur à explosion en était à ses balbutiements et que Lyon était encore dans son âge d’or de la soierie. Une autre époque, donc. C’est vous dire que ce lieu en a vu défiler, des quenelles de brochet et des pots de vin. Et pourtant, plus de 150 ans après, cette institution lyonnaise, comme peut l’être encore la Brasserie Georges, continue de cuisiner son tablier de sapeur et son andouillette plein feu tous les jours de la semaine. Vous l’avez ? Le Café des Fédérations !
L’histoire d’un bouchon pas comme les autres

Ses premières heures remontent à la chute du Second Empire, l’exil de Napoléon III et la proclamation de la Troisième République. À l’époque, pas de réunions publiques autorisées : donc, les ouvriers organisaient des réunions clandestines appelées Fédérations. Au même moment, Lyon est en pleine effervescence. La soie représente les ¾ de son activité avec pas moins de 400 entreprises et autant de bouches à nourrir. Midi, soir, mais aussi évidemment les matins avec les fameux mâchons propres à cette époque, celle des Canuts qui cassaient la croûte dès l’aube. Le Café des Fédérations aura connu une première moitié du XXe siècle mouvementée avec deux Guerres mondiales, l’occupation puis le changement des mentalités dans les années 50 mais continuera de servir.
Depuis, « le café des fédés » en a vu défiler du beau monde, à commencer par Monsieur Paul qui venait ici régulièrement retrouver toute la convivialité d’un vrai bouchon lyonnais qu’il affectionnait particulièrement. « Lyon est une ville qui donne faim », avait-il dit. Peut-être qu’il en avait esquissé l’idée en pénétrant un jour dans ce lieu qui transpire la culture lyonnaise.
Et aujourd’hui ?

« Tout est bon dans le bouchon », voilà ce qui semble être le sérum anti-âge du Café des Fédérations, du moins son mantra. La carte mise sur les plats « all stars » de la gastronomie locale : œufs en meurette, saucisson chaud brioché, tablier de sapeur, quenelle de brochet, tête de veau, sans oublier la fameuse tarte aux pralines, le grand classique de la maison. En fait, toutes les spécialités locales y sont proposées. C’est simple, c’est copieux et c’est convivial, mais c’est surtout bon : donc les visiteurs s’y pressent et les lyonnais y reviennent.
En rentrant, on peut y lire sur la vitre de la devanture : « Maison fondée ici il y a bien longtemps ». Il en faut de la bouteille pour faire un tel pied de nez à la postérité !