« Où sont les poulardes ? J’ai faim ! Où sont les veaux, les rôtis, les saucisses ? Où sont les fèves, les pâtés de cerf ? Qu’on ripaille à plein ventre pour oublier cette injustice ! »
On a tous en tête cette scène des Visiteurs où Jean Reno, alias Godefroy de Montmirail, nous fait l’éloge de son appétit. Bien que le film nous ramène en l’an de grâce 1123, à Lyon, il n’est pas question de s’aventurer si loin pour en faire l’expérience. Dans la capitale de la gastronomie, où la tradition des bouchons perdure et se réinvente, hors de question d’attendre les longues heures de la journée pour se mettre à table. Grâce au mâchon, dînons dès l’aube.
Une tradition qui remonte aux Canuts

Le mot « petit-déjeuner » n’existe pas dans la langue des gones. Depuis le XIXe siècle, les canuts, ces tisserands principalement localisés dans le quartier de la Croix-Rousse, commençaient leur besogne tôt (ou finissaient tard) : il fallait donc casser la croûte à l’aube. Les ouvriers s’installaient à table au moment où le coq chantait pour partager la charcuterie, le fromage et toute autre cuisine traditionnelle, sans oublier le pot de vin. C’est une tradition populaire qui, au fil du temps, a construit la légende de la gastronomie lyonnaise, tout comme ses nombreuses brasseries de l’époque, des figures telles que la Mère Brazier ou encore l’arrivée du Beaujolais Nouveau.
Je mâche, tu mâches, nous mâchons…

Le terme vient tout simplement du verbe « mâcher », qui illustre parfaitement ce à quoi il faut vous attendre. Mais le mâchon est par-dessus tout synonyme de convivialité et de partage. Cervelle de canut, tablier de sapeur, andouillettes, grattons, tripes… tout y passe. Bruno Benoit, historien et spécialiste de la ville de Lyon, a écrit : « Le mâchon lyonnais est la messe matinale des vrais gones […] Il scelle la rencontre car, à Lyon, on ne se connaît pas tant qu’on n’a pas mangé ensemble. »

Il existe le collectif des « Francs Mâchons », un groupe de gourmands qui mâchonnent dès potron-minet afin de répertorier les restaurants qui proposent ce petit-déjeuner pas comme les autres. Plus de 50 lieux sont répertoriés à Lyon et dans ses environs. On vous recommande, entre autres, Le Café du Jura (Lyon 2), Les 4G (Lyon 9), Au Petit Bouchon (Lyon 1) et Les Frères Barbet (Oullins). Au même titre que Paul Bocuse, le Gros Caillou ou la Fête des Lumières, le mâchon, c’est l’ADN de Lyon.
Terminons ce billet comme un mâchon que nous aurions partagé : « Y’a pas quelques soissons avec de la bonne soivre, un porcelet, une chèvre rôtie, quelques cygnes blancs bien poivrés ? Ces amuse-bouche m’ont mis en appétit ! »